LA SPÉCULATION BOURSIÈRE ENTRAÎNE LA CRISE FINANCIÈRE

LA SPÉCULATION BOURSIÈRE ENTRAÎNE LA CRISE FINANCIÈRE

Mardi 14 octobre 2014, par Robert Bibeau, Tribune libre

Robert Bibeau, chercheur canadien en psychologie et en science politique, nous donne ci-dessous son analyse de la situation économique :


LA SPÉCULATION BOURSIÈRE ENTRAÎNE LA CRISE FINANCIÈRE

robertbibeau@hotmail.com

20.06.2014

http://www.les7duquebec.com/actualites-des-7/la-speculation-boursiere-entraine-la-crise-financiere/

Nous avons récemment publié un article traitant des produits financiers dérivés (CDS) qui sont échangés en bourse, soit 693 000 milliards de dollars ou 9 fois le PIB de la planète selon Gilles Bonafi. D’autres évaluations annoncent 420 000 milliards de dollars de valeurs boursières et six fois le PIB mondial (1).

Quoiqu’il en soit, les sommes engagées sont colossales. Le capital ne parvient plus à se VALORISER – à se reproduire – à croître de manière productive. Le capital parasitaire ponctionne donc le capital productif pour simuler la croissance, c’est-à-dire simuler l’accumulation pour sa reproduction élargie, ce qui constitue la finalité du mode de production capitaliste qui n’a pas fondamentalement changé contrairement à ce qu’annoncent quelques experts universitaires.

Il est très compliqué d’expliquer ce processus boursier par lequel du vrai capital actif sert à produire du vent spéculatif adossé à des titres spéculatifs boursoufflés et bidons. Nous allons tout de même tenter de le démontrer en démontant l’arnaque boursière pièce par pièce.

Le capital productif tourne et effectue des cycles de reproduction élargie (n’appelez pas cela des cycles de croissance car il n’y a pas de croissance économique sur Terre. Au contraire, l’économie mondiale est en récession mais pas encore en dépression, ça viendra. La hausse de 1,5% du PIB mondial ne couvre même pas l’inflation internationale). Pourtant, il s’effectue tout de même des cycles de reproduction du capital malgré la débandade de l’économie mondiale. La preuve en est que certaines entreprises productives – inscrites au CAC 40 à Paris ou au Dow Jones à New-York et d’autres à la bourse de Tokyo – font des profits importants et distribuent des dividendes alléchants à leurs actionnaires compatissants.

C’est ici que tout commence. Que peut bien faire l’heureux actionnaire récipiendaire de ces dividendes issus de ce capital sorti tout droit de l’usine (façon de parler évidemment) ?

A) Il peut acheter des actions de sa firme préférée ? Il y a fort à parier qu’elle ploie sous le capital disponible cette firme puisqu’étant rentable et profitable, le capital a tendance à s’agglutiner à son anode positive. Elle n’émet plus d’action cette firme florissante et personne ne veut vendre les siennes puisqu’elles sont payantes.

B) Notre actionnaire millionnaire (ils sont 11 millions dans le monde paraît-il) offre donc le double ou le triple de la valeur par action car vraiment il ne veut pas lâcher la poule aux œufs d’or dans cet univers de morosité financière de retors (2).

C) Ou encore, l’actionnaire débonnaire achète les actions d’une autre firme toute aussi florissante et donc très en demande et n’ayant surtout pas besoin de capital sous lequel elle croule littéralement. Ici aussi l’actionnaire devra débourser 2 ou 3 fois la valeur de l’actif pour arracher ces précieux titres à son détenteur « légitime », un actionnaire concurrent. À la limite, si l’opération est planifiée par un trust financier on parlera d’OPA inamicale. Les trusts impérialistes se dévorent ainsi mutuellement en période d’expansion des marchés de capitaux boursiers.

Vous venez tout juste de voir apparaitre sous vos yeux l’inflation gargantuesque que subissent les titres boursiers-financiers. Ballonnement d’actions artificiellement gonflées par cette surenchère spéculative due à la trop grande disponibilité des capitaux circulant par rapport aux occasions réelles d’affaires, rentables et profitables. Car, de l’autre côté du miroir économique, il y a surproduction relative de marchandises par rapport aux revenus anémiés des travailleurs-consommateurs asphyxiés (90 pour cent des travaillants), grugés par l’inflation ou par le chômage, ou travaillant pauvrement. Et que dire de ces deux milliards de gens survivant avec deux dollars par jour dans le tiers monde souffrant.

Passons à l’étape suivante du cycle économique des actifs capitalistiques

Cette entreprise florissante dont la valeur des actions vient soudainement de monter en flèche, pas seulement les actions objets de la transaction – achat-vente spéculative – mais toutes les actions de la firme ont été surévaluées en un instant. Eh oui, l’actionnaire résidant à l’autre bout de la Terre, qui n’a même pas regardé les cotes de la bourse depuis deux jours, découvre stupéfait que ses actions ont monté en flèche pour rien hier matin (pour rien ici signifie sans qu’il n’y ait eu croissance de la production de marchandises et réalisation de la plus-value dans l’entreprise).

Que de monceaux de capitaux ($) à récupérer et à réinvestir pour acheter d’autres actions de pacotilles….se dit cet actionnaire. Pire, la banque gorgée de ce capital – d’actifs fictifs sulfureux – les rassemble en paquets multiformes, multirisques – les actifs payants dissimulant les actifs s’atrophiant – et elle vend ces paquets frauduleux à tous ces gens qui sont plein comme des boudins (les 11 millions de multimillionnaires dont nous parlions tantôt) et qui ne demandent qu’à spéculer. Récemment, le PDG de la Caisse de Dépôt du Québec qui administre les fonds de retraite (contenant du vrai argent c’est-à-dire les économies des travailleurs) annonçait fièrement des rendements ahurissants provenant de cette jungle spéculative qui éclatera un jour comme il en fut en 2008. Quel pseudo économiste expert a tiré la sonnette d’alarme et demandé des comptes à cet intriguant ? Nous, bien évidemment, mais nous, les grands médias mainstream ne nous publient pas.

Pire, nombre de ces acheteurs-revendeurs acquièrent ces actifs sulfureux (ces produits dérivés, ces Credit Default Swaps CDS) et ne les paient pas comptant. Les spéculateurs promettent de payer, créant ainsi du nouvel argent crédit-fictif, car ils ne gardent pas ces actifs brûlants assez longtemps. Pas fou le spéculateur, il sait que toute cette pyramide s’effondrera sous peu, alors il se dépêche de passer l’actif brûlant au suivant, à la Caisse de Dépôt et de Placement notamment.

C’est ainsi que la spirale en folie est lancée et que le capital produit du capital par inflation-crédit-circulation d’actions bidons sans jamais passer par le cycle de production-reproduction-élargie capitalistique productif. Tout ceci, vous l’aurez noté, à partir originellement d’un premier montant ($) de dividendes réellement touché par un actionnaire solvable. La DRI évalue que 7% environ de ces monticules financiers sont crédités, le reste s’évaporera comme il est venu (3).

L’actionnaire qui a déboursé 100 millions de vraie monnaie pour acquérir 500 millions d’actifs gonflés – surévalués – boursoufflés – se retrouvera à la fin du cycle systémique avec peut-être 7 millions de dollars de valeur réelle (le reste de ses actifs). Ceux qui ont acheté des actions NORTEL ou des actions Madoff ont déjà vécu ce drame il y a des années (4).

Pire encore. Le fait d’avoir acheté à prix exagéré les actions de cette firme brillante, inscrite au CAC 40, si rentable, a créé une terrible pression sur l’entreprise florissante, raison pour laquelle les actionnaires enrichis spéculativement demanderont encore plus de rendement puisque la multiplication des actions aura dilué le rendement nominal de chaque titre. Cette firme hier prospère, risque de se retrouver désavantagée par son succès boursier spontané. Les actionnaires exigeront austérité et restructuration pour maintenir, espèrent-ils, les rendements par action.

Et voilà notre « success story » boursier mal engagé – tentant de se dépêtrer avec cette baisse tendancielle du taux de profit (de rendement finalement) et s’engageant dans un cycle de compression-austérité qui fera fondre sa plus-value rentière (plus-value extra) comme neige au soleil. Et c’est la pente glissante de la dépréciation du titre qui s’engagera. Le capital fuit à toute vapeur ce bateau floué et plus il fuit plus les autres actionnaires cherchent à se départir de ces titres surévalués. Si un autre « success story » existe à côté, l’argent quittera l’anode négative de ce bateau ivre et ira s’agglutiner à l’anode positive de l’autre bateau en train de s’enivrer de capital plombé.

Le crash boursier est enclenché quand tous, ou presque, les « success story étoilés » s’éclipsent en même temps du firmament de la finance.

Comme le capital disponible (sous forme de crédit) est infini, cette mascarade spéculative peut se poursuivre à l’infini, jusqu’au jour où un très gros spéculateur tirera le bouchon de la baignoire d’argent bidon de façon à réaliser son profit (toucher sa mise au casino de la reprise). Il se peut que le deuxième arnaqueur investisseur puisse s’en sauver, s’il est assez futé pour sentir le vent tourner et le marché s’effondrer. Certainement pas les dizaines d’autres arnaqueurs, magouilleurs, finassiers-financiers, pris au piège comme en 2008. La prochaine fois, cependant, le séisme boursier sera mille fois plus effrayant puisque la pyramide de PONZI est mille fois plus imposante.

La classe ouvrière n’a aucun contrôle – aucune prise – ne comprend même pas ce qui lui arrive venant du firmament de la haute finance. Elle ne fait que subir passivement ces soubresauts. L’ouvrier y perdra son Éco et son EGO. Sa job disparaîtra probablement, son pouvoir d’achat s’affaissera certainement, son fonds de retraite s’envolera assurément et ce prolétaire ne comprendra pas qu’en travaillant plus il gagnera moins… Le contrat social capitaliste sera rompu, les conditions objectives de la révolution s’accumuleront dans les centres urbains mégalopolistiques. Qu’en sera-t-il des conditions subjectives de demain ?