Agir face à l'interminable agonie des institutions

Agir face à l’interminable agonie des institutions

Article publié par Agoravox

Vendredi 15 novembre 2013, par André Bellon

« L’Europe se refondera en tirant pragmatiquement les leçons de la crise. La crise a poussé les chefs d’Etat et de gouvernement à assumer des responsabilités croissantes, parce qu’au fond, eux seuls disposaient de la légitimité démocratique qui leur permettait de décider », déclarait Nicolas Sarkozy le 1er décembre 2011. Le lendemain, Vincent Peillon, membre de l’équipe de campagne de François Hollande, s’interrogeait sur Canal + sur la « légitimité » de Nicolas Sarkozy pour, à six mois de l’élection présidentielle, engager la France dans la renégociation d’un traité européen qui peut être « du chaos rajouté au chaos  ». Il ajoutait que « L’opposition a dit très nettement, par la voix de François Hollande qui a rencontré les présidents du conseil et de la commission cette semaine : nous ne voulons pas de traité  ». Passons sur le fait que ce traité, dit TSCG, a été, immédiatement après l’élection présidentielle, validé par François Hollande. Remarquons surtout comment la question de la légitimité est au cœur des débats.

Déjà, lors de la tourmente provoquée par la réforme des retraites, c’était le porte-parole du PS, Benoit Hamon, qui déclarait, le mardi 6 juillet 2010 : « Je répète en plus que M. Woerth est en charge d’une réforme qui relève de l’intérêt général -la réforme des retraites- et qu’aujourd’hui, il n’est plus capable, ni en situation, ni légitime pour pouvoir continuer à mener cette mission  ». Il ne s’agit pas de répondre à la rue qui, comme l’exprimait élégamment Jean-Pierre Raffarin, n’a pas à gouverner, mais de contester la légitimité de ceux qui mettent en œuvre les réformes.

Enfin, le mardi 12 novembre 2012, au lendemain des incidents du 11 novembre, Jean-Marc Ayrault s’affrontait à Christian Jacob, chef de file UMP à l’Assemblée nationale, en l’accusant de « contester la légitimité  » de l’élection de François Hollande. Il allait même plus loin en affirmant : « Vous êtes en train de faire croire qu’il y a une crise institutionnelle. Mais de quoi parlez-vous ? Remettez-vous en cause la légitimité de l’élection présidentielle au suffrage universel  ? »

Cette abondance de commentaires et d’interrogations sur la légitimité n’est pas un hasard. Les membres de l’opposition, quelle qu’elle soit, utilisent le désamour des citoyens pour les dirigeants politiques, cherchant tout simplement à prendre leur place. On est entre gens du monde, non ?

Mais la crise est aujourd’hui plus profonde. Elle est celle-là même du système politique national autant qu’européen. Et la phrase de Jean-Marc Ayrault touche, consciemment ou pas, le cœur même du problème. « Remettez-vous en cause la légitimité de l’élection présidentielle au suffrage universel ? ». Prise au pied de la lettre, cette phrase semble presque anodine, rappelant que le Président a été effectivement élu. Mais, dans la réalité, elle justifie qu’un homme, bénéficiant au premier tour de 28,63% de votes parmi les 77, 95% de votants, bénéficie d’un blanc-seing. Le suffrage universel n’est pas seulement l’expression du choix d’un homme (ou du refus d’un autre). Il doit être l’expression consciente et permanente de la souveraineté populaire. Et la lecture qu’en donne Ayrault limite le rôle du suffrage universel au choix –ou au non choix- de celui qui décidera sans contrôle.

La chose est d’autant plus contradictoire que le fameux élu est subordonné à une autorité de plus en plus supérieure, l’Union européenne, grand aspirateur des souverainetés nationales et populaires. Et se retrancher derrière le suffrage universel est une insolence envers les citoyens qui ont voté non au référendum du 29 avril 2005 ou envers ceux qu’on ne consultera pas sur le futur traité transatlantique.

On ne peut pas faire appel au suffrage universel uniquement quand cela arrange, parler de légitimité uniquement quand on est au pouvoir pour la contester plus tard quand on est dans l’opposition. Il serait bon, aussi, de ne pas appeler au respect des principes républicains uniquement face à d’odieuses attaques racistes. La référence à la République devient dérisoire lorsqu’on méprise la souveraineté populaire, lorsqu’on détruit les services publics et la laïcité. Et tous les rappels à l’ordre républicain n’ont aucun sens si les citoyens ne se sentent pas écoutés. Ces déclarations aussi grandiloquentes qu’évanescentes se faufilent dans un théâtre d’ombres au service de l’enterrement de la nation et de nos libertés.

Ce n’est pas par plaisir de contester que nous appelons à un sursaut démocratique par l’élection d’une Assemblée Constituante au suffrage universel en France. C’est parce que la confiance entre citoyens et responsables politiques s’est dissoute année après année ; c’est parce que la crise n’est pas seulement celle d’une majorité, mais celle du régime ; c’est parce que cette dégradation est mortelle pour l’avenir même de notre pays et qu’elle ouvre la voie à tous les dangers ; c’est parce que le soutien du peuple est indispensable face aux défis de la période.

Un système politique se meurt, un autre peine à émerger. Il faut aider le nécessaire à naître.

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/agir-face-a-l-interminable-agonie-143828

4 Messages

  • Agir face à l’interminable agonie des institutions

    Le 19 novembre 2013 à 12:49 par yfig

    Je crois que le peuple est en train de dire des choses essentielles qui vont bien au delà des déclarations péremptoires qui en assurent le "système" de sa légitimité et de la fidélité des élites. Les politiques ont définitivement épuisé leur capital et trahi tant de fois leur propre parole que le "système" est devenu de facto une baudruche vide de sens. Que voyons-nous ? Des hommes et des femmes qui ont appris à l’ENA qu’ils étaient les ’élus’ de la Nation (avant même de se présenter). Ils se tortillent sur leur cher siège qui leur rapporte tant dans tous les domaines et qu’ils défendent avec l’acharnement du désespoir allant jusqu’à dire et faire n’importe quoi en priant que leur stupidité les sauve. Le peuple ne marche plus. Il n’accepte plus qu’on lui mente ni qu’on lui fasse de fallacieuses promesses. Il lui a fallu du temps pour comprendre et il aura fallu bien des abus de pouvoirs de la caste des hiérarques avant qu’on en arrive à la rupture, mais la rupture est consommée, le peuple n’écoute plus les chants des sirènes blablateuses.

    Ça fait au moins 15 ans que j’appuie sur le bouton « alerte » sans que rien ni personne ne change de cap. En 2008, il fallait laisser tomber le système financier et étatiser les banques. Il fallait étatiser les industries, quitte à les fermer ensuite, mais courageusement et dans le respect des ouvriers. Au lieu de ça, ce gouvernement de ‘gauches’ a laissé le boulot aux autres, refusant de prendre ses responsabilités.
    Quand Cahuzac a été pris la main dans le sac, il était déjà trop tard, les citoyens se sont retrouvés face à l’abjection de la collusion des potes de promo de l’ENA. Ils ont compris qu’on les flouait depuis des lustres en leur tenant un discours totalement déconnecté des réalités.

    La désinformation et la propagande ne suffit plus à camoufler les vilénies quotidiennes des ‘élus par le peuple’ mais qui ne défendent que leurs propres intérêts. Des élus qui obéissent au doigt et à l’œil aux lobbyistes et aux financiers déterminés à imposer le modèle ‘mondialiste’ à tous les peuples de la terre pour en tirer toujours plus de profits. Le parlement vote une taxe à l’unanimité puis fait marche arrière. Ce genre de ‘refus’ de l’obstacle est la preuve irréfutable de l’impéritie des élus qui ne font que voter ce que leurs chefs leur ordonnent de voter. Et nous ne savons rien. Si les journalistes avaient le courage de taper dans la généalogie des cadres de partis, le peuple découvrirait avec effarement les liens parentaux et les intérêts personnels et financiers qui lient tous ces tartuffes entre eux dans une étreinte étroite et incestueuse. On en a parfois quelques bribes vite poussées du balai sous le tapis. L’avenir va revenir au peuple car il est souverain et la guerre civile qui va nous y mener sera sans merci et particulièrement sanglante, à l’image de l’infamie des politiques depuis des décennies. Les politiques ont oublié qu’ils étaient élus pour servir le peuple et la Nation et non pour se servir eux-mêmes. Leur châtiment sera la juste récompense de leur oubli. Les solutions ne viendront pas dans la quiétude car la quiétude c’est la berceuse du peuple, l’alcool ou la drogue qui endort la rage. Et encore moins de la « négociation » supportée par la police et l’armée (en déliquescence) … parce que la négociation c’est l’offre de cacahuètes dans le partage du coffre aux trésors. Cette rage, ardente et latente est comme un nuage de gaz qui n’attend qu’une étincelle pour exploser dans un déferlement de haines et de violences … il faut se préparer à des jours noirs qui seuls peuvent déboucher sur une nouvelle société.

  • Agir face à l’interminable agonie des institutions

    Le 29 novembre 2013 à 16:53 par constitutionnel

    En effet légitimité et légalité, ne vont pas nécessairement de pair.

    La légitimité va au-delà de la simple légalité, elle s’apparente davantage à la reconnaissance des
    services rendus à la nation. Est légitime celui ou celle qui se met " au service de ", pour l’intérêt général,
    la préservation du bien commun, à savoir la res-publica.

    Etre élu légalement ne confère pas nécessairement la légitimité.

    Elisabeth II, Reine du Royaume-Uni et chef du Commonwealth est légitime, Hitler l’était-il ?

  • Agir face à l’interminable agonie des institutions

    Le 14 mars 2014 à 23:23 par Chris

    Quand Cahuzac a été pris la main dans le sac, il était déjà trop tard, les citoyens se sont retrouvés face à l’abjection de la collusion des potes de promo de l’ENA. Ils ont compris qu’on les flouait depuis des lustres en leur tenant un discours totalement déconnecté des réalités.

  • Agir face à l’interminable agonie des institutions

    Le 9 août 2016 à 09:17 par association pour une Constituante

    Nous militons pour revaloriser le suffrage universel. Il n’est donc pas question de ne pas voter, mais d’avoir une règle du jeu qui redonne sens à ce vote.

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