Sarkozy demande aux Français le "courage" qu'il n'a pas

Sarkozy demande aux Français le "courage" qu’il n’a pas

Lundi 30 janvier 2012, par Didier, Tribune libre

Didier nous a transmis ci-dessous ses réactions et son analyse économique après l’intervention télévisée du Président de la République.

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Se présentant comme neutre et présidentiel, le Président de la République a présenté dimanche soir sa vérité aux français.

Car ce qu’il énonce, c’est sa vérité et non la vérité. Ou plutôt, c’est la vérité du capitalisme mondial dont Nicolas Sarkozy et Angela Merkel sont les gérants.

Je ne vais pas faire un catalogue de ses mensonges, omissions, découvertes de dernières minutes après cinq années en poste ( les délocalisations ou la taxe sur les transactions financières, par exemple ), de ses affirmations péremptoires non démontrées ( "la retraite a 60 ans, c’est une folie" ). Inutile, je pense, de relever l’enfumage de la "compétitivité" dans l’économie mondiale : la "compétitivité" dans un monde dérégulé et dans une Union européenne qui organise la concurrence faussée - contrairement à ce que disent les traités - est un suicide collectif.

Non, un seul point.

"Comment relancer la croissance sans dépenser un centime ?" s’est-il demandé ?

C’est pourtant simple, et même tellement simple qu’il est étonnant que les "éminents économistes", Jean-Marc Sylvestre et François Langlet, ne lui aient pas soufflé. Il est vrai qu’ils ont été bien choisis afin de ne pas contrarier le démagogue en chef. François Langlet n’a curieusement pas la même retenue face aux autres candidats.

Alors, comment relancer l’activité sans dépenser un centime de plus ?

C’est simple. Techniquement, il suffit de "monétiser" la dette, c’est à dire de créer de la monnaie ( on appelle çà aussi "faire tourner la planche à billets" ) pour acheter les titres de la dette publique au fur et à mesure de leur émission, que ce soit pour rembourser de la dette ancienne ( en effet, chaque année, le trésor public emprunte sur les marchés financiers pour rembourser des reconnaissances de dettes anciennes qui arrivent à échéance ) ou pour financer le déficit budgétaire de l’Etat.

Ainsi, pour 2012, l’Etat ( François Baroin ) a fait connaître son plan de financement à moyen et long termes : l’AFT ( Agence France Trésor, qui gère la trésorerie de l’Etat ) va emprunter pour rembourser des titres de dette ancienne arrivant à échéance pour un montant d’environ 98 milliards d’euros. Voir le communiqué officiel http://www.aft.gouv.fr/rubriques/programme-de-financement-de-l-etat_40.html.

Au taux moyen constaté récemment de 2,8 % indiqué par l’AFT, çà fait 2,7 milliards d’intérêts qui partent en fumée ( pour nous, ceux qui payent, pas pour tous ).

Si on tient compte de l’ensemble des emprunts à moyen et long termes ( essentiellement rachat des titres anciens plus déficit budgétaire prévu ), soit 178 milliards, au même taux moyen de 2,8%, çà fait 5 milliards d’intérêts à payer.

Le rachat par la Banque de France de ces dettes permettrait de faire revenir ces milliards d’intérêts dans le giron public, sans augmenter les impôts, et ainsi financer une relance sélective initiée par les pouvoirs publics. Cette relance sélective devrait, à mon avis, financer la transition écologique mais aussi réhabiliter les services publics, promouvoir une agriculture locale respectueuse des sols ...

( Je ne développe pas la nécessaire réforme de la fiscalité ).

L’exemple donné ci-dessus ne tient compte que des intérêts de dette à moyen et long termes ( plus d’un an ) car la loi oblige un encadrement de ces dettes-là. Si on devait considérer la dette à court terme ( moins d’un an ), que la loi ne limite pas du tout, le montants des intérêts à récupérer serait plus élevé.
Répétée chaque année, au bout de 7 ans environ, la quasi-totalité des intérêts payés est revenue dans le giron public. Cela fait près de 50 milliards d’euros, l’un des tout premier poste budgétaire de l’Etat, et ceci sans augmenter les impôts.

Une fois cette opération de monétisation effectuée, les remboursements ultérieurs, au lieu de partir dans les poches des plus riches, dont la plupart d’ailleurs échappent à l’impôt car situés à l’étranger, reviendraient au secteur public sous forme de réserves monétaires permanentes ou de fonds permanents de financement de la transition énergétique.

Un économiste proche de Nicolas Hulot développe ce type de mécanisme dans http://www.chomage-et-monnaie.org/2009/11/555/.

( Je ne développe pas ici la réponse à la critique habituelle sur le risque d’inflation, ce risque est tout à fait maîtrisable. )

Techniquement, c’est simple. Politiquement, çà demande du courage aux dirigeants politiques, courage que ne saurait avoir Nicolas Sarkozy, lui qui préfère demander aux Français d’en avoir à sa place.

Pourquoi ? Parce que c’est contraire aux intérêts du capital international et aux traités européens qui en font la promotion.

Pour réaliser çà, il ne faut pas compter sur la BCE, la banque centrale européenne. Ceci exigerait un accord en zone euro à ce jour illusoire.
Tous les discours promettant de modifier les statuts de la BCE sont à ce jour démagogiques.

La seule solution est de réquisitionner la Banque de France.

Évidemment, ce sera source de conflit dans l’Union. Mais il faut savoir ce qu’on veut.

Évidement aussi, il faut un rapport de force : il faut que les citoyens s’en mêlent.