Lettre à Monsieur Bartolone. Monsieur Bartolone, président du groupe de travail sur l'avenir des institutions et de l'assemblée nationale,

Lettre à Monsieur Bartolone. Monsieur Bartolone, président du groupe de travail sur l’avenir des institutions et de l’assemblée nationale,

Mardi 24 novembre 2015, par Francis Lenne

Cette lettre fait suite à celle envoyée le 5 octobre par Francis Lenne, du cercle de Bordeaux (Voir http://www.pouruneconstituante.fr/spip.php?article1115 )

Monsieur Bartolone,

Vous avez présidé, en compagnie de votre prédécesseur M Accoyer et avec quelques élus et personnalités que vous avez choisis pour leurs orientations politiques variées, un groupe de travail dit "sur l’avenir des institutions" composé de vingt-trois membres.

Après environ un an de réunions et la publication de votre rapport du 2 octobre 2015 dit "Refaire la démocratie" (960 pages), vous avez fait mine d’interroger "les citoyens" sur les propositions de ce rapport, via un ensemble de questions soigneusement orientées auxquelles votre groupe avait déjà pour une large part répondu.

Vous y envisagiez de "RESTAURER LE LIEN ENTRE LES CITOYENS ET LEURS REPRÉSENTANTS", vous y dénonciez "DES INSTITUTIONS ANCIENNES DANS UNE RÉPUBLIQUE ÉBRANLÉE" et "UN DÉFAUT DE REPRÉSENTATIVITÉ" des élus. Vous envisagiez de replacer "UN CITOYEN RESPONSABLE AU CŒUR DES INSTITUTIONS".

Nous, citoyens, ne pouvions être que séduits par tant de volontarisme car nous avons effectivement constaté l’obsolescence de notre Constitution et le mépris dont les partis politiques sans exception, avec leurs élus, font preuve envers nous. Ne citons que trois exemples, parmi bien d’autres, sur des décisions auxquelles le parti auquel vous vous rattachez, comme tous les autres, ont pris leur part : le référendum sur le traité européen, rejeté par le peuple français mais finalement adopté par le parlement, la négation de la reconnaissance du vote blanc comme exprimé par une loi inutile au titre mensonger et le vote par le Congrès d’une modification constitutionnelle profonde et manipulatrice sans aucune consultation citoyenne. Cette modification prévoyait d’ailleurs, avec le nouvel article 11, un soi-disant "référendum d’initiative partagée", titre encore mensonger car l’initiative n’est que celle des pouvoirs législatif et exécutif et que, de plus, cet article est en pratique inapplicable comme vous ne pouvez pas l’ignorer. Or vous avez contribué avec votre parti et avec les autres à ces manipulations. Alors comment croire à votre rapport lorsque celui-ci prétend "Élargir le champ du référendum et instaurer un véritable référendum d’initiative populaire". Il aurait suffit d’appliquer la Constitution en respectant les résultats du référendum de 2005 ou en soumettant aux citoyens, comme le prévoir l’article 89, les modifications constitutionnelles à référendum. Encore eut-il fallu que les citoyens participent à leur élaboration et ne se voient pas imposer, comme ce fut le cas, des textes soigneusement élaborés par les partis politiques afin que soient préservés leurs privilèges.

Votre rapport n’est-il donc qu’une nouvelle manifestation de la volonté des partis de laisser croire aux citoyens que vous allez, enfin, prendre en compte leurs exigences et respecter leur souveraineté. Ne s’agit-il pas en réalité d’une nouvelle manipulation motivée par le fait que vous avez constaté, avec tous les partis en place, le profond rejet des citoyens pour cette classe politique oligarchique qui les méprise et qui, par ses boniments idéologiques, s’évertue à se maintenir au pouvoir. Cette manipulation est parfaitement démontrée par votre publication d’un soi-disant "questionnaire" que vous prétendez nous avoir soumis, très brièvement pendant un vingtaine de jours, afin, disiez-vous, de recueillir nos avis sur votre rapport, alors que vous y aviez travaillé pendant près d’un an et que vous soumettez un rapport de près de mille pages ! De plus, ce questionnaire était soumis sans contrôle à tout un chacun, sans aucune identification, qu’il soit français ou non, il était possible d’y répondre à plusieurs reprises et de toutes les façons imaginables, et enfin rien n’était précisé sur les conditions de recueil et de prise en compte des résultats. L’article 11 que vous avez contribué à instituer, pourtant exigeant à l’extrême sur ces conditions de recueil des avis au point de ne plus permettre de réelle consultation citoyenne, ne vous a manifestement pas inspiré ici. Vous avez pourtant eu l’outrecuidance de publier sur le site de votre groupe un « Merci ! » en précisant que cette soi-disant « consultation » était désormais fermée et en prétendant que nous étions plus de 4 000 à avoir vous donné notre avis sur le questionnaire. Nous vous mettons au défi de prouver cette affirmation en droit ; faute d’avoir identifié les répondants, faute d’avoir contrôlé comment étaient données les réponses, faute d’avoir donné à ceux qui pouvaient légitimement répondre le temps et les moyens de le faire, faute d’avoir précisé vos intentions à ce sujet, vous ne pouvez pas prétendre qu’il s’agit d’une « consultation » des citoyens français, fusse-t-elle seulement informelle.

Nous n’acceptons donc pas votre « Merci » au « 4 000 réponses » que vous dites avoir obtenues. De qui se moque le groupe que vous avez présidé ? M Bartolone, les soi-disant réponses à votre questionnaire n’ont aucun sens, vous y référer serait illégitime. Ce que nous exigeons de vous ce sont des actes en cohérence avec les intentions affichées, des actes qui, comme vous prétendez le vouloir, remettrons les citoyens responsables au cœur des institutions.

En réalité, ne s’agissait-il pas, avec ce pseudo-questionnaire, de cautionner votre rapport et son utilisation en vue de continuer à aveugler les citoyens sous une prétendue volonté de "Refaire la démocratie". Non, M Bartolone, ce n’est pas à vous de « refaire la démocratie », c’est comme vous le dites aux « citoyens responsables » de s’y engager car ils sont souverains en la matière. Ce sont bien eux qui doivent s’atteler à refonder leur contrat social, effectivement obsolète et qui a permis ce dévoiement institutionnel dont tous les partis sont les instigateurs. Faute d’action réelle en ce sens et en poursuivant sur cette voie manipulatrice, vous ne referiez pas la démocratie, vous lui porteriez un coup de grâce. Nous ne pourrons pas le tolérer.
Votre seule tâche, ce n’est pas de tenter une nouvelle fois de nous manipuler, mais bien, si vous êtes sincère, de mettre immédiatement en œuvre votre proposition (N°4), que nous rappelons ici :

"Le référendum est apparu au groupe de travail comme l’instrument privilégié d’expression de la volonté populaire. La proposition d’en développer l’usage a fait l’objet d’un large consensus..., l’élargissement et le perfectionnement du recours au référendum présenteraient un double intérêt : d’une part, en ouvrant aux citoyens l’accès à la décision publique, ils renforceraient la confiance dans le système politique, d’autre part, en contribuant à la légitimité des décisions publiques, ils amélioreraient l’adhésion qu’elles suscitent."

Chiche ! Mais l’actuelle Constitution vous le permet déjà, pourquoi attendre ? Votre rapport affirme bien : « Une urgence est avérée, celle de combler le fossé qui ne cesse de s’élargir entre les citoyens et leurs dirigeants politiques. Dans cette perspective, une rénovation démocratique, une refondation de l’ordre collectif fondée sur l’égalité s’impose. »

Avec votre questionnaire illégitime vous avez nié l’esprit même de cette proposition, vous creusez le fossé que vous prétendez pourtant dénoncer. Nous exigeons de vous de tenir cet engagement. Nous exigeons que vous soumettiez à référendum la possibilité de mettre en place une assemblée constituante, répartie sur tout le territoire, formée de citoyens libres et sans aucune intervention des partis et des élus qui seraient dans ce cas juges et parties en la matière. Nous exigeons que ce référendum soit organisé au plus tôt. Votre rapport cette fois pris par les citoyens constituants comme un document de travail parmi d’autres et lu sans naïveté pourrait alors nous être un peu utile, il ne nous paraîtra pas autant comme une vaine tentative de cautionnement pour les partis politiques cherchant à se prémunir contre les risques d’une crise profonde qui menace leurs privilèges.

Des échéances électorales majeures se profilent en cette fin d’année puis en 2017. Les signes de ce profond rejet de la classe politique se sont déjà fait sentir, vous le savez. C’est donc bien avant, dès maintenant, que vous devez agir pour rendre aux citoyens leur souveraineté, faute de quoi la manœuvre de votre groupe et ses réelles motivations seraient démasquées et vous porteriez, devant l’Histoire, la lourde responsabilité de la révolte qui gronde déjà et celle des graves conséquences qu’elle pourrait entraîner pour l’avenir de notre Nation.

Nous exigeons donc dès maintenant un référendum mettant en place une assemblée constituante libre dans laquelle les partis politiques n’auront pas leur place, et nous exigeons que le texte de ce référendum soit soumis au préalable à nos observations, légitimement. Vous proposez de "RESTAURER LE LIEN ENTRE LES CITOYENS ET LEURS REPRÉSENTANTS", de réformer "DES INSTITUTIONS ANCIENNES DANS UNE RÉPUBLIQUE ÉBRANLÉE", de corriger "UN DÉFAUT DE REPRÉSENTATIVITÉ" des élus. Vous envisagiez de replacer "UN CITOYEN RESPONSABLE AU CŒUR DES INSTITUTIONS". Alors faites le. Nous espérons que vous et ceux qui vous ont suivi auront le courage de tenir ces engagements et de ne ne pas recourir, encore une fois, à de faux prétextes pour différer ou dévoyer par des textes aux titres mensongers et manipulateurs leur mise en œuvre, ces formes sournoises et lâches d’oppression dont les citoyens sont las. Notre vigilance à ce sujet n’aura d’égale que notre détermination et notre résistance, en cas de renoncement des élus et du pouvoir, serait dès lors légitime.

En annexe, on trouvera ce texte en pdf précédé d’une page dénonçant l’imposture démocratique que les élus et leurs partis nous infligent ainsi que le recours au Conseil d’Etat.

Documents joints