Les conséquences politiques de la décision du Conseil d'Etat grec

Les conséquences politiques de la décision du Conseil d’Etat grec

Lundi 29 juin 2015, par Louis Saisi

L’Union européenne, dans la crise qui l’oppose à la Grèce, a trop vite tendance à oublier que l’Etat grec possède un ordre juridique interne fondé sur la séparation des pouvoirs, à l’instar des autres systèmes politiques européens faisant d’ailleurs de ce principe l’un de ceux conditionnant l’appartenance à l’Union européenne pour les nouveaux arrivants. L’indépendance du pouvoir judiciaire en constitue un élément important et fondamental. Or l’on se souvient que dans sa décision du 10 juin 2015 le Conseil d’Etat grec avait annulé pour vice d’inconstitutionnalité les baisses de pensions décrétées fin 2012.

Il est évident que cette décision du Conseil d’Etat grec - jugeant inconstitutionnelles les dispositions prises fin 2012 par le gouvernement grec d’Antonis SAMARAS consistant à réduire aussi brutalement que drastiquement les pensions de retraite des quelque 800.000 travailleurs grecs qui percevaient plus de 1.000 euros de retraites mensuelles – n’a pas manqué de peser sur les négociations en cours entre la Grèce et l’Union européenne.

L’on voit assez mal quel est le principe de droit international qui pourrait s’imposer à l’ordre constitutionnel interne d’un Etat souverain - maître de son propre destin - pour le faire plier aux injonctions d’organismes internationaux qui n’ont aucune légitimité démocratique et qui ne sont que les relais serviles des créanciers de la Grèce et de la Finance internationale.

Avec cette décision du Conseil d’Etat - la plus Haute juridiction grecque - le Gouvernement ne pouvait céder à nouveau (comme en 2012) aux injonctions aussi peu sociales et totalement infondées de l’Union européenne et du FMI lui demandant pas moins de 1,8 milliard d’euros de coupes supplémentaires dans les pensions grecques.

En effet, ne perdons pas de vue que si le Conseil d’Etat n’a pas obligé l’Etat grec à rembourser les retraités grecs qui ont subi ces coupes dans leurs revenus, en revanche le gouvernement d’Athènes conduit par Alexis TSIPRAS devra déjà rétablir le niveau des retraites d’avant fin 2012, ce qui devrait impliquer de la part de l’Etat une revalorisation oscillant entre 1 milliard d’euros et 1,5 milliard d’euros et représenter une dépense évaluée entre 0,5 % à 0,8 % du PIB.

Or de manière encore plus contestable et condamnable qu’en 2012, la même pression de l’Union européenne et du FMI s’exerce sur la Grèce pour qu’elle revoie notamment ses choix politiques – notamment en acceptant à nouveau une baisse des retraites - pour rembourser respectivement 1,6 milliard au FMI et 3,5 milliards à la BCE à la fin du mois de juin 2015.

Ainsi la Commission européenne et le FMI exigent une réduction des dépenses de retraite représentant 1% du PIB.

Ces deux institutions demandent également une augmentation de 1,8 milliard d’euros (soit 1% du PIB) des recettes de TVA qui passerait par un relèvement de 11% à 23% du taux appliqué à de nombreux produits et services, dont l’électricité.

Les créanciers veulent aussi que la Grèce renonce à l’allocation de solidarité sociale (EKAS) dont bénéficient une partie des retraités, ce qui permettrait d’économiser 800 millions d’euros d’ici 2016.

S’il acceptait les prétentions de l’UE et du FMI, le gouvernement TSIPRAS violerait sa promesse d’éviter toute baisse des pensions.

Or s’agissant des retraites elles-mêmes, les Grecs étaient prêts à faire un effort en proposant de supprimer dès 2016 des régimes de préretraite et d’imposer des coupes aux retraites les plus élevées.

De manière générale, il est faux de dire que le Gouvernement grec n’a fait aucun effort car si du côté des rentrées fiscales, Athènes a maintenu sa ligne rouge d’une TVA à 13 % sur l’électricité, elle a proposé en revanche de taxer la restauration à 23 % et d’instaurer d’autres taxes nouvelles – dont une de « solidarité exceptionnelle », un impôt sur le revenu à 8 % au-delà de 500 000 euros de revenus par an.

Mais le FMI continue à faire la sourde oreille sur la TVA et les retraites. Et sa position sur une possible renégociation de la dette publique grecque est tributaire de la plupart des pays de la zone euro créanciers de la Grèce qui persistent dans leur refus manifestant leur absence de confiance dans la volonté des gouvernements grecs successifs du pays d’assainir les finances publiques et qui exigent la mise en place préalable de réformes de structure.

Dès lors, le Gouvernement grec d’Alexis TSIPRAS a décidé d’en appeler au peuple grec souverain pour lui poser la question de confiance : doit-il ou non céder à l’Union européenne ?

Ce retour devant les citoyens grecs d’un Gouvernement pourtant fraîchement formé (26/27 janvier 2015), après avoir été investi de la confiance des citoyens – mais en butte au dogmatisme financier de l’Union européenne et du FMI - est un exemple à méditer au sein de nombreux Etats européens qui s’éloignent de plus en plus de la démocratie pour n’écouter que la doxa libérale et la domination des principes et mécanismes marchands.

Dans une démocratie, c’est au peuple souverain que doit appartenir le dernier mot en cas de situation conflictuelle.

Louis Saisi