Sondages contre démocratie

Sondages contre démocratie

Lundi 20 avril 2015, par Louis Saisi

Attention, citoyens ! on nous dit « sondages »…

L’apparition d’une miraculeuse majorité pro-gouvernementale

par Louis Saisi

Selon un sondage (un de plus !) réalisé par l’IFOP pour le Journal du dimanche et diffusé le 5 avril 2015 sur le site du JDD - mais largement relayé par l’ensemble des médias nationaux - l’on veut nous faire croire qu’après le vote massif de rejet par les Français de la politique du Gouvernement, exprimé les 22 et 29 mars 2015 à l’occasion des élections départementales, il y aurait 6 Français sur 10 (la majorité !) qui ne veulent pas d’un changement de Premier ministre et qui souhaitent également que le Président François Hollande et son Premier Ministre, Manuel Valls, maintiennent le même cap politique et économique…

Ce sondage est lui-même contradictoire avec le sondage publié le 27 mars par le JDD - et commandé par ce même journal à l’IFOP, un peu avant le 2ème tour des départementales - qui avait fait apparaître, celui-là, que pour près des 2/3 des Français, le résultat du Parti socialiste du premier tour est assimilé à une sanction pour François Hollande (64%) et à un échec considérable du PS lui-même par 63% des Français…

Or le résultat du 2ème tour a conforté les résultats du premier dans le sens d’un désaveu encore plus net de la politique gouvernementale…

De qui se moque-t-on ?

Car c’est bien la politique de rigueur qui a été justement sanctionnée par le peuple les 22 et 29 mars : un électeur sur 2 s’est abstenu précisément parce que le Président de la République avait prévenu haut et fort qu’il ne changerait pas de ligne politique, ce qui fut une première forme de sanction.

La seconde sanction - et même « leçon » - c’est que le parti du Gouvernement, le PS, a subi un cuisant revers dès le 1er tour - qui devait être confirmé au 2ème tour – puisqu’il devient minoritaire sur l’ensemble des départements français en ayant perdu avec ses alliés (PCF, EELV et « divers gauche ») 28 départements qui basculent, selon la nomenclature électorale consacrée, de « gauche » à droite. Partie de 61 départements, la « gauche officielle » n’en dirige désormais plus que 34 (et encore en comptant Paris, la Guyane et la Martinique qui n’étaient pas concernés par ce scrutin) tandis que la droite passe de 40 à 67 départements.

Quelques défaites symbolisent la lourde défaite du couple Exécutif.
La Corrèze, terre d’élection de François Hollande – et que le Parti socialiste avait conquis de peu en 2008 -, est passée à droite, l’UMP ayant remporté 13 cantons sur 19. L’Essonne, fief de Manuel Valls, Premier ministre, a basculé à droite…

Après un tel désaveu sans appel, comment peut-on croire décemment que les Français, pas moins d’une semaine après qu’ils se soient nationalement exprimés en grandeur réelle dans les bureaux de vote, pourraient émettre une opinion contraire à leur vote réel (celui-là) en déclarant ainsi implicitement à des sondeurs exonérer le Premier Ministre de ses responsabilités politiques et de son échec patent à la tête du Gouvernement ? Et comment, nos concitoyens pourraient-ils aussi subitement « sondagièrement » se déjuger et adhérer à la politique du triumvirat - Président Hollande/Premier Ministre Valls/Emmanuel Macron, Ministre de l’Economie et des Finances - qu’ils viennent de sanctionner dans les urnes en chuchotant à des sondeurs promus « greffiers » qu’ils ne leur demandent pas de changer de cap politique qui pourtant les plonge dans de grandes et graves difficultés quotidiennes ?

Alors, oui, vraiment, quel crédit accorder à un tel sondage ? Ce n’est pas parce que le Chef de l’Etat et son Premier Ministre ont décrété « on continue » qu’il faut aller leur chercher des alibis et des justifications dans un sondage si fort opportun prétendant incarner l’opinion des Français… Et ce n’est pas le rôle de la presse ni encore moins des « sondeurs » de re-légitimer un Gouvernement en chute libre après un tel désaveu populaire aussi net et cinglant…

On est là dans le déni du droit de suffrage auquel on substitue la « souveraineté du sondage » : « 6 Français sur 10 ont dit que… », alors que, probablement, comme dans tout sondage par la méthode des quotas, à peine un millier de Français ont été interrogés… Sans qu’on ne sache jamais très bien de quelle manière, dans quelles conditions, et selon quels biais…